Saturday, March 19, 2011

La prédication essénienne et l'Evangile

Résumé d'une Communication à la Société des amis de Stella et Henry Corbin, donnée le 18 décembre 2010.

Les données générales concernant la découverte des Manuscrits de la mer Morte, à partir de 1947, dans les grottes de Judée près de Qumran, sont connues du grand public, elles ont fait l'objet de nombreuses publications. Mais la teneur de ces rouleaux bibliques et sectaires, en hébreu et araméen, ainsi qu’en grec, leur interprétation, leur datation, leur perspective messianique et eschatologique soulèvent encore des controverses parmi les spécialistes. La plupart hésitent à rattacher Jean Baptiste, et surtout Jésus - voire ses premiers disciples-, à ce milieu juif qui était visiblement en rupture idéologique et en opposition polémique avec le judaïsme conservateur officiel bien avant puis durant le premier siècle de l’ère chrétienne. Pourtant l’essénisme présente de nombreuses affinités avec la doctrine de l'Evangile et l’esprit des premiers chrétiens, avec leur éthique, leurs usages et leur manière d’interpréter les saintes Ecritures, en particulier le Livre d’Isaïe. On trouve notamment de part et d’autre: la pratique d’un baptême des adeptes par immersion dans l’eau vive, appelé la « Purification » (mot repris dans l’évangile de Jean (3 : 25) ; le culte de l’Esprit saint, la glorification du « Nom de Dieu » par les docteurs esséniens, qui se désignent comme les « hommes du Nom » (hanoshim ha-Shem), et surtout l’espérance du règne messianique.

Prenons acte que les Esséniens ont devancé historiquement les Chrétiens sur la scène de l’histoire mouvementée d’Israël, et que leur parti s’est dissout après la grande guerre romaine et la destruction du Temple en 68-70. Mais ils n’ont pas tous disparu pour autant. Car ils étaient aussi contemporains des débuts du mouvement nazaréen. Si ceux du premier siècle sont demeurés attachés à la figure de Jean Baptiste, comme on le devine dans les Actes des apôtres ou l’évangile de Jean et de Luc, beaucoup d’entre eux se sont probablement ralliés à la foi en Jésus Christ, sous l'appellation des « Ebionites » (les Pauvres), assimilés aux Judéo-chrétiens. Mais le terme hébreu d'Ebionîm (grec Ptokoi)était déjà courant parmi les Esséniens. Or c’est aux « pauvres », il faut l’observer, que Jésus adresse son grand sermon inaugural selon Matthieu (chap. 5 à 7). Les Ebionites, bientôt condamnés, en tout cas critiqués par l’Eglise catholique, correspondent aux judéo-chrétiens, demeurés attachés aux rites juifs et à la Torah, tout en vénérant Jésus comme le Messie, le Fils de Dieu. En attendant la parousie du Christ après la crucifixion, puisque Jésus avait annoncé son retour dans la gloire et pour le jugement dernier, l’Eglise de la génération apostolique a vécu dans la même tension eschatologique qui domine déjà dans les sources esséniennes.

C'est au premier siècle avant Jésus Christ, à la fin du règne corrompu des derniers Hasmonéens qu’apparaissent « officilement » les Esséniens, qui ont programmé et inauguré une réforme morale, disciplinaire et doctrinale du judaïsme, sur le thème central de la "Nouvelle Alliance". Leur chef attitré, un grand prêtre ayant conservé l'anonymat, fut persécuté par les partis juifs au pouvoir, au temps d'Alexandre Jannée et ses fils. Surnommé le "Maître de justice" par ses disciples, il est l'auteur de la fameuse Règle de la Communauté et du Rouleau des Hymnes, deux documents essentiels de Qumran illustrant bien l'idéologie et la théologie du salut selon les Esséniens. La Règle stipule de suivre toutes les « ordonnances » imposées aux « convertis d’Israël » jusqu’à « la venue du Prophète (eschatologique) et des oints d'Aaron et d'Israël". Après la mort de leur législateur, l'Ecrit de Damas continue de préparer ses fidèles à "la venue du Messie d'Israël pour les derniers jours", et il en va de même dans beaucoup d’autres fragments de la mer Morte. A quoi s’ajoutent les « Testimonia » bibliques sélectionnés par la secte concernant le règne du Messie.

En voici quelques échantillons, que l’on pourrait multiplier.. « Les cieux et la terre écouteront son Messie, et personne ne s’écartera des ordonnances des saints… Il répandra son esprit sur les pauvres et renouvellera les fidèles par sa force. Il glorifiera les pieux en les plaçant sur le trône du Royaume éternel. Il rendra la vue aux aveugles, redressera ceux qui sont courbés…il guérira les affligés, il ressuscitera les morts et apportera la Bonne Nouvelle aux pauvres… » (4 Q 521 ; comparer Isaïe 11 : 1-3 et Luc 4 : 17-19). Et encore : « Il aura pitié d’eux comme un père de ses enfants, et il les portera…tel un pasteur son troupeau. Il déliera toutes les chaines qui les entravent » (Damas 13 : 9). « Il sera appelé le Fils du Très-Haut, on le nommera le Fils de Dieu…son royaume sera éternel et la vérité sera dans toutes ses voies. Il jugera la terre avec justice et instaurera la paix. Il mettra fin à la guerre et tous les peuples l’honoreront » (4 Q 246, et comparer Luc 1:32-33).L’auteur des Hymnes de Qumran, le Maître de justice, déclare attendre la venue du « Rejeton » davidique (Nétser) qui sortira de la « Plantation de sainteté » qu’il a fondée en dépit des persécutions, grâce au soutien de l’Esprit saint.
Nulle part avant le Nouveau Testament le culte de l’Esprit saint n’est aussi accentué que dans la littérature religieuse de Qumran, où déjà la "Purification » par le baptême d’eau est associée à l’effusion de l’Esprit qui régénère les disciples convertis à la Nouvelle Alliance, devenus membres de la confrérie essénienne. (Voir la Règle 4 : 20-23). Il serait contraire à la vérité historique de croire que les chrétiens aient eu le monopole de l’Esprit saint qu’ils ont exercé au Nom de Jésus Christ. C’est là un parti pris de l’Evangile soucieux de délimiter la fonction de Jean Baptiste, dont « beaucoup se demandaient en leur cœur s’il n’était pas le Christ », reconnait Luc (3 : 15). Comparer Jean 1 : 20s.

On a prétendu que les esséniens professaient un double messianisme : un messie sacerdotal et un messie royal, que l’on a rapprochés typologiquement de Jean Baptiste, fils du prêtre Zacharie et de Jésus, figurant le nouveau messie "fils de David", un titre populaire qui motiva la réponse que l'on sait: Jésus se déclare le Seigneur de David en interprétant le Psaume messianique 110 qui fond la royauté du Messie. Jésus lui-même se déclarait plus grand que tous les prophètes. Il s’identifiait au « Fils de l’homme », qui est une détermination de l’Adam primordial constitué à l’Image de Dieu issue des spéculations de l’apocalyptique juive. Les textes esséniens en sont imprégnés, et des passages oraculaires de Qumran exaltent la « gloire de l’homme » et son règne éternel, préfiguré par Melkisedeq ou par Hénoch selon les perspectives. Il en va de même dans l’Evangile. Nous connaissons la déclaration de Jésus devant le sanhédrin : « Désormais vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel » (Mat. 26 : 64, et parallèles). Jean dans l'Apocalypse voit le Fils de l'homme siégeant sur le Trône au-près de Dieu, selon un modèle issu des visions de Daniel et plus précisément des Paraboles du Ier Hénoch sur le régne du Messie.
Ce messianisme apocalyptique ressort des évangiles synoptiques et de l'évangile de Jean, où Jésus déclare notamment: "vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l'homme" (Jn 1,51, et comparer Jn 6, 62. Le même Jean dans l'Apocalypse obtient des christophanies exemplaires du Fils de l'homme assumant la forme de l'Agneau (égorgé, mais victorieux). C'est dans cette athmosphère mystique exaltée issue du prophétisme biblique que Jésus et ses disciples ont vécu, tandis que le messianisme davidique était relayé au secon plan,comme trop temporel, ou politique.
Il semble que l'essénisme ait mis la dernière main aux pseudépigraphes tardifs de l'AT, notamment au "Livre des Paraboles" qui projette en visions le règne du Christ avant son incarnation. Cette dimension transcendante du messsianisme de Qumran n'a pas été suffisamment prise en compte dans le débat sur l'eschatologie essénienne, alors que l'Evangile en est pénétré.

Toujours est-il que d’après les documents sectaires esséniens, ainsi que d’autres écrits bibliques de la mer Morte (comme les Psaumes de Salomon, ou le fragment de Melkisedeq), il n’est jamais question que d’un unique roi messie, appelé tantôt le Prophète, et plus généralement le « Messie d’Aaron et d’Israêl ». Son avènement est attendu pour les « derniers jours». Et c'est la parousie du Christ qui a été reportée dans l'eschatologie chrétienne durant la génération des apôtres, après la crucifixion. Selon une formule frappante de l'Ecrit de Damas, ce messie viendra pour « expier l’iniquité » de son peuple. Autrement dit, le sacrifice volontaire du messie était appréhendé par les docteurs de Qumran. Et il en va de même dans les pseudépigraphes bibliques comme le Livre d’Hénoch (I Hénoch, les Paraboles sur le règne eschatologique du Fils de l’homme) ou les Testaments des Patriarches. Ces deux ouvrages, dont les versions primitives, en hébreu et araméen, proviennent de Qumran, sont d’inspiration essénienne, et leur impact sur la christologie de l’Evangile est incontestable. Leurs prédictions du règne et du sacrifice du Sauveur anticipent le scénario de l’Evangile.

Les Esséniens avaient donc conçu une sorte de « calendrier eschatologique » s’inspirant de la doctrine juive des jubilés et d’une eschatologie de l’histoire, que Jésus d'après l’Evangile avait la conviction d'accomplir et d'actualiser dramatiquement par sa mission, sa passion, son sacrifice et sa résurrection. Si Jean Baptiste a reconnu en Jésus l' "Agneau de Dieu" (selon Jean)c'est qu'il connaissait le scénario du messie souffrant d'Isaïe, chargé d'expier pour les pêchés d'Israël, et cette doctrine était familière aux Esséniens. Ceux-ci envisageaient la dernière « visite de Dieu » à son peuple, et ils pensaient que Dieu allait bientôt "engendrer le Messie parmi eux" (Règle annexe 2 : 11-12). En attendant son avènement, et la délivrance d’Israël la "Congrégation des Pauvres", les « fils de l’Alliance » s’étaient séparés du siècle, retirés au désert, en proclamant, comme Jean Baptiste, " le redressement de la Voie" de Dieu, d'après Isaïe 40: 3s. Or l'Evangile dérive initialement de la prédication et du témoignage de Jean Baptiste, qui reconnait officiellement en Jésus le messie attendu, l’Agneau de Dieu (Jean 1 : 20). Dans le rouleau des Hymnes (Hodayot), ainsi qu’on l’a souligné, le chef des Esséniens, attend avec confiance que Dieu suscite le « Rejeton» (Netser), le Messie davidique, devant sortir de la « Plantation sainte », qu’il avait fondée et fait croître grâce à l’Esprit saint. On ne dira jamais assez la haute spiritualité, la piété et la clairvoyance prophétique de ce grand sage inconnu dont l’identité n’a pu être percée. Il pourrait s'agir de ce Judas l'essénien mentionné par Flavius Josèphe, vivant vers 90 avant JC, ou du prêtre Onias III, vers 70 avant JC? Mais ce ne sont que des suppositions.
Tout porte à croire que la secte de la Nouvelle Alliance n’était pas seulement établie dans la Commanderie de Qumran en Judée. Elle semble avoir essaimé peu avant l’ère chrétienne en Syrie, dans la région de Damas, où comme par hasard, vers l’an trente trois, après la crucifixion, Saul de Tarse s’était rendu avec une petite troupe armée, sur l’ordre des prêtres de Jérusalem, afin d’y arrêter des chrétiens de la première heure, plus exactement des partisans de « la Voie ». Et c’est sur le chemin de Damas que l’apôtre des Gentils fut subitement converti à la foi en Jésus Christ, ce qui est digne d’attention. Jésus était originaire de la Galilée, de cette région limitrophe de la Syrie, que l’Ecrit de Damas appelle « le pays du Nord ». Là se serait éteint le Maître de justice, en exil dans cette région, comme le suggèrent les Hymnes racontant sa destinée.
La Communauté de la Nouvelle Alliance qu’il dirigea et instruisit avec autorité était présidée par les « fils de Sadoq », leurs prêtres et lévites. Plus tard, ces prêtres et ces lévites apparaissent liés au parti nazaréen. Dans les Actes des apôtres, on apprend que « la Parole de Dieu croissait, le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem et une multitude de prêtres obéissaient à la foi » (Actes 6 : 7). Le Collège des Anciens, des Hébreux de l’Eglise juive, semble avoir appuyé l’Eglise des apôtres et avoir soutenu et dirigé leur prédication. Et à leur tête se trouvait un frère de Jésus, Jacques le Juste. Quant aux « Johannites », adeptes du baptême de Jean, beaucoup, comme le Juif Apollos, auteur probable de l’Epître aux Hébreux, qui suivaient "la Voie " se sont convertis au Nom de Jésus Christ, sans doute parce que la prédication essénienne les y avait prédisposés.
"La Voie" (ha derekh) des Esséniens était leur mot d’ordre tiré du passage fameux d’Isaïe sur le redressement de la Voie de Dieu dans le désert, qui est à l’origine de la réforme essénienne, et que prêche justement Jean Baptiste dès que l’on ouvre l’Evangile. Comparer la Règle 8 : 13-16. Les membres de la Communauté devaient obéir aux "premières ordonnances" (mosaïques)édictées par les prêtres ou instructeurs (les mashkilim), jusqu’à l'apparition du "Prophète et des oints d’Aaron et d’Israël." Quant aux « nouvelles ordonnances », elles étaient associées à l’avènement de ce Prophète-Messie, identifié au "Prince de la Congrégation". Ce serait lui, est-il suggéré, qui édicterait ces « nouvelles ordonnances » pour l’ère messianique.

Le Sermon que Jésus adresse à la foule des "Pauvres" en Galilée, peu après sa "retraite au désert" (Mat 5-7), est d'esprit essénien. De plus, la manière dont Jésus met en contraste « ce que l’on vous a dit » jusqu’à présent, et ce que « Moi je vous dis » désormais, nous semble marquer la phase de transition des anciennes aux nouvelles ordonnances, de l'Ancienne à la Nouvelle Alliance, d'après la terminologie de la Règle et de l’Ecrit de Damas. Ces dernières sont en vue du règne de Dieu imminent et du Jugement dernier qui est à la porte.

Mais voici le plus important: Jésus "scelle" en sa personne, par son sacrifice volontaire "la Nouvelle Alliance" pour la rémission des péchés, dans le repas de la Cène pascale, avant sa Passion.

Cette Nouvelle Alliance était précisément la « Voie » proclamée par les Pieux, les Esséniens (hassidim), en qui nous croyons reconnaître les précurseurs immédiats de l'Evangile et donc du christianisme. Vu sous cet angle particulier, à la lumière diffuse de l’essénisme, l’origine de l’Evangile et du message de Jésus Christ que prolonge le kérygme de l’église apostolique, s’explique beaucoup plus naturellement. Les Esséniens ne sont jamais nommés dans le Nouveau Testament, mais Jésus a pris son dernier repas pascal chez un disciple inconnu, que l’Evangile ne peut préciser, il fut déposé de croix et mis au tombeau par Joseph d’Arimathie, un autre « disciple secret » du Seigneur. Ensuite voici que des « hommes vêtus de blanc » surgissent près du tombeau et avertissent les saintes femmes que leur Seigneur a été enlevé, qu'il est ressuscité, et qu'il "les précède en Galilée" où ils le reverront.Voir la dernière apparition de Jésus à Tibériade, dans Jean 21. Il y a là les indices de la croyance dans le retour du Christ, qui animait la primitive Eglise, et comme "la foi est la vision des biens que l'on espère", (St Paul),certains apôtres ont bénéficié de christophanies transposées comme événement historiques concrets dans les évangiles. Aujourd'hui un chrétien parlerait plutôt de vision mystique, mais précisément c'est le "corps mystique", le "corps spirituel" du Christ Jésus que la ferveur de la primitive Eglise partageait en rompant le pain et en commémorant le repas pascal chaque dimanche. "leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent (à la fraction du pain), mais déjà il avait disparu" (Luc 24, 31). Vision du coeur par le regard de la foi, c'est là que se produit le phénomène troublant des christophanies qui ont galvanisé les premiers chrétiens en leur faisant éprouver le Christ comme étant le Fils du Dieu vivant. l'homme Jésus de Nazareth a revêtu le Christ,qui est Dieu assumant un support d'incarnation humain providentiel, issu de l'Esprit saint, en vue de la rédemption.
Certes aucun fragment de Qumran (mais tant d'autres textes ont disparu ou étaient en poussière!)ne suggère que les Esséniens aient "trouvé" le Messie qu'il ont prophétisé. Seulement les Ecrits de la mer Morte sont antérieurs au Nouveau Testament et Jésus n’était pas encore né. C'est l'Evangile qui marque, selon nous, la spectaculaire transition historique décisive entre l'attente du Messie et sa venue. Après le témoignage capital de Jean au Jourdain, qui le reconnait au signe de la Colombe, quelques disciples du Baptiste suivent Jésus. André va prévenir son frère Simon Pierre et lui dit: "Nous avons trouvé le Messie" (Jean 1: 41) Philippe déclare de même à Nathanaël: " Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l'avons trouvé ! C'est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth! " ( 1: 45). J'incline à penser que Jésus fut pressenti comme le Messie attendu par les Esséniens avant d’être reconnu comme tel par les chrétiens. Selon nous, les Esséniens sont des "Chrétiens avant la lettre", et leur appellation de "mashikhim" va dans ce sens, des "oints", marqués du Sceau de l'Esprit saint, et consacré au Nom de Dieu, fils de la lumière, autant d'expressions que s'appliqueront les chrétiens.

Pourtant, les savants demeurent très réservés quant à l’origine essénienne du christianisme, comme si tout commençait avec l’Evangile, comme si rien ne l’avait préparé et précédé. Alors que Jésus venait pour « accomplir » les prophéties de l’Ecriture et se disait annoncé par les prophètes l’ayant précédé. « Pas un seul menu trait de la Loi ne passera que tout ne soit accompli ». La rigueur du Christ, mais également ses préceptes fondamentaux – justice, amour de Dieu et du prochain, mansuétude envers les pauvres - reflète la doctrine essénienne. La condamnation des riches, la dénonciation de l’hypocrisie, les malédictions adressées aux Pharisiens, les prophéties de Jésus sur la ruine du Temple et la fin de Jérusalem, sur le jugement dernier imminent, l’opposition au Sanhédrin qui l’a arrêté et fait condamner, tout cela s’accorde avec les données de la prédication essénienne.

Les Esséniens de Judée et de Syrie sont déjà fort bien décrits au premier siècle par l’historien Flavius Josèphe, même par Pline l’Ancien, et ils sont contemporains des fameux Thérapeutes d’Egypte, un ordre essénien contemplatif hellénisé, décrit par Philon d’Alexandrie, et qu’ Eusèbe de Césarée (4 e siècle) assimilait aux premiers Chrétiens d’Egypte. En réalité, beaucoup d'Esséniens, surtout ceux directement affiliés à Jean Baptiste, sont venus grossir les rangs de l'Eglise naissante, et ils ont été « absorbés » par le christianisme. Hélas, trois siècles plus tard, ils furent sommairement rangés parmi les « hérétiques » au côté des Ebionites et des autres sectes baptistes et gnostiques, que l’Eglise, oublieuse de ses origines, a rejetés après la période des Conciles.

Stéphane Ruspoli

Bibliographie: voir essentiellement, André Dupont-Sommer, Les Ecrits esséniens découverts près de la mer Morte, Payot (1954, et Rééd, 1964, 1968). Stéphane Ruspoli, Le Christ essénien, l'origine essénienne du christianisme et du Messie de Nazareth, Arfuyen 2005.

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